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NEWSLETTER SEPTEMBRE / OCTOBRE 2021

NEWSLETTER SEPTEMBRE / OCTOBRE 2021

Publié le : 10/11/2021 10 novembre nov. 11 2021

Réforme des entreprises en difficulté : Ordonnance du 15 septembre 2021 NOUVEAUTES





Une nouvelle réforme du droit des entreprises en difficulté

L’adoption de l’ordonnance du 15 septembre 2021 modifiant le livre VI du code de commerce a consacré la réforme du droit des entreprises en difficulté. Celle-ci transpose la directive européenne du 20 juin 2019 harmonisant les législations des Etats membres en matière de restructuration et d’insolvabilité des entreprises. Par ailleurs, elle reprend un certain nombre de mesures introduites lors de la crise sanitaire qui n’auraient pas dû être poursuivies.   Si celle-ci n’est pas applicable aux procédures en cours, elle entrera en vigueur le 1 octobre 2021 ce
qui ne laisse que peu de temps aux praticiens pour s’en familiariser.

Dans cette newsletter, nous examinerons certaines innovations qui viennent modifier substantiellement le droit des entreprises en difficulté.
 

La consécration de mesures prises lors de la crise sanitaire

 
  • Article L. 611-2-2 du code de commerce : La procédure d’alerte

Dans le cadre de la procédure d’alerte, lorsque le commissaire aux comptes a connaissance de fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, celui-ci en informe le dirigeant qui devra alors prendre des mesures pour y remédier.

Dans l’hypothèse où les mesures envisagées par le dirigeant paraissent insuffisantes ou que la situation de l’entreprise « commande l'adoption de mesures immédiates et que le dirigeant s'y refuse », le commissaire aux comptes peut faire le choix d’en alerter directement le président du Tribunal compétent sans convoquer au préalable le conseil d’administration et l’assemblée générale.
 
  • Article L. 611-7, Al. 5 code de commerce : L’octroi de délais de grâce

Dans le cadre de la conciliation, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de reporter ou d’échelonner le règlement de créances non échues dès lors que son créancier « l'a mis en demeure ou poursuivi, ou qui n'a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l'exigibilité de la créance. »

Les délais de grâce peuvent être accordés au débiteur :
  • Soit en réponse à une démarche active du créancier : lorsque celui-ci qui a mis en demeure ou poursuit le débiteur
  • Soit de façon préventive afin de se protéger de l’arrivée du terme d’une créance lorsque le créancier n’a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, de suspendre l'exigibilité de la créance

Article L. 641-2 du code de commerce : Liquidation judiciaire simplifiée

Concernant la liquidation judiciaire simplifiée, la réforme vient reprendre les modifications opérées par l’ordonnance du 20 mai 2020. Tout entrepreneur individuel est éligible à cette procédure à la seule condition que celui-ci ne possède pas d’actif immobilier.
 
  • Article L. 622-17 et L. 626-10 du code de commerce : Le privilège de post money

=> L’ordonnance pérennise le privilège de sauvegarde et de redressement judiciaire (dit privilège de
post money), introduit dans le cadre de la crise sanitaire par l’ordonnance du 20 mai 2020.


Les cas visés :
  • Le financement de la période d’observation : Les personnes qui consentent un nouvel apport de trésorerie au débiteur pendant la période d’observation en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité (Art. L.622-17 Ccom)
  • Le financement du plan : Les personnes qui s’engagent pour l'exécution du plan de sauvegarde ou de redressement arrêté ou modifié par le tribunal, à effectuer un apport de trésorerie (Art. L.626- 10 Ccom)
  => Les créanciers bénéficiant du privilège de post money seront payés à l’échéance ou, à défaut, par priorité sur d’autres créances d’un rang inférieur. L’attractivité de ce privilège pour le créancier reste relative puisqu'il occupe le huitième rang du nouvel article L. 643-8 du code de commerce.
 

Nouveautés du droit des entreprises en difficultés en vertu de l’ordonnance du 15 septembre 2021

 
  • Article L. 611-10-4 du code de commerce : Les conséquences de l’ouverture d’une procédure collective sur l’accord de conciliation

Selon ce nouvel article, « la caducité ou la résolution de l'accord amiable ne prive pas d'effets les clauses dont l'objet est d'en organiser les conséquences ». Celui-ci maintien les effets aux clauses aménageant les conséquences de la caducité de l’accord : ce dernier pourrait ainsi prévoir le maintien des nouvelles sûretés consenties.

Cette ordonnance vient mettre fin à une jurisprudence issue de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 25 septembre 2019, qui avait considéré que l’anéantissement de l’accord de conciliation en raison de l’ouverture d’une procédure collective entrainait l’anéantissement des suretés consenties par celui-ci.
 
  • Article L. 621-3 du code de commerce : Durée de la période d’observation lors d’une procédure de sauvegarde

Jusqu’au 30 septembre 2021 : La période d’observation d’une procédure de sauvegarde pouvait faire l’objet d’un premier renouvellement de 6 mois puis d’un deuxième (de 6 mois également) à la demande du procureur de la République.

Depuis le 1er octobre 2021 : La période d’observation d’une procédure de sauvegarde ne peut être renouvelée qu’une seule fois, à la demande de l'administrateur, du débiteur ou du ministère public, pour une durée maximale de 6 mois. Elle ne peut donc excéder 12 mois au lieu de 18 mois, avant la réforme.

=> La prolongation exceptionnelle à la demande du procureur de la République existe toujours pour la procédure de redressement judiciaire.
 
  • Article L. 624-2 du code de commerce : La déclaration irrégulière d’une créance

Avant la réforme, la Cour de cassation avait considéré que « la décision par laquelle le juge- commissaire retient qu'une créance a été irrégulièrement déclarée (...) est (...) une décision de rejet de la créance ».

Lorsque le juge-commissaire considérait que la créance avait été irrégulièrement déclarée, sa décision irrecevabilité aboutissait à une extinction de la créance ainsi que la sûreté qui la garantissait.

En application de cette jurisprudence, il était préférable pour le créancier de ne pas déclarer sa créance que de mal la déclarer. En effet, dans cette première hypothèse, la créance est seulement inopposable à la procédure.

=> Désormais, une créance irrégulière n'est pas rejetée, mais simplement irrecevable, et donc inopposable à la procédure : Le créancier pourra obtenir le paiement de celle-ci en cas de résolution du plan pour inexécution ou par l’ouverture d’une autre procédure collective.  
  • Article L. 620-1, L. 626-30 et L. 631-1 du code de commerce : Adoption du plan de redressement
ou de sauvegarde par les classes de parties affectées

=> L’ordonnance vient instaurer les classes de créanciers (« classes de parties affectées »), lesquelles viennent remplacer les comités de créancier.

Le régime antérieur à l’ordonnance :
  • Les créanciers, avant l’adoption du plan, sont consultés quant aux modalités d’apurement du passif et sont donc amenés à voter sur la proposition de plan.
  • Cette consultation consistait à regrouper les créanciers dans des comités (comité des créanciers financiers, comité des principaux fournisseurs, assemblée unique des obligataires) dès lors que le débiteur dépassait certains seuils (150 salariés et plus de 20 millions de chiffre daffaires) ou faisait l’objet d’une sauvegarde accélérée.
  • Ce système avait l’inconvénient de réunir bien souvent, dans un même comité, des créanciers aux
intérêts éloignés.

D’après l’ordonnance, les créanciers affectés par le projet de plan sont répartis par l'administrateur judiciaire, « sur la base de critères objectivement vérifiables », « en classes représentatives d'une communauté d'intérêt économique suffisante ». De ce fait, le nombre et le type des classes de parties affectées seront amenés à différer d’une procédure à une autre.

Par ailleurs, les « classes de parties affectées » comprennent les créanciers, mais aussi les détenteurs de capital, c’est-à-dire les associés ou actionnaires et porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital. Les détenteurs de capital forment une ou plusieurs classes.

Chaque classe de parties affectées est réputée avoir accepté le plan proposé si une majorité des deux tiers est obtenue, le vote devant survenir dans un délai de 20 à 30 jours suivant la transmission du plan (Art. L. 626-30-2 Ccom).
 

Le Tribunal peut dans certaines conditions adopter le plan et l’imposer aux classes de parties affectées ne l’ayant pas approuvé.


De plus, les parties affectées réunies en classes ne peuvent soumettre des projets de plan concurrents à celui du débiteur qu’en matière de redressement judiciaire, et non plus en matière sauvegarde comme c’était autrefois le cas (Art. L. 631-19, I, Al. 3)
 
  • Article L. 628-1 du code de commerce : la procédure de sauvegarde accélérée

Dans le cadre de la réforme, le législateur a fait le choix d’ouvrir la sauvegarde accélérée à toutes les entreprises sans conditions de seuils (Art. L. 628-1 Ccom).

Elle supprime la sauvegarde financière accélérée tout en conservant la possibilité de limiter la sauvegarde accélérée à certains créanciers financiers (Art. L628-1 Al. 2 Ccom).

L’ordonnance a conservé les principes fondamentaux de cette procédure. En effet, celle-ci ne peut être ouverte qu’au profit d’un débiteur ayant élaboré un projet de conciliation qui tend à assurer la pérennité de l’entreprise et qui n’est pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours (Art. L. 628-1 Ccom).  
  • Article L. 626-26 du code de commerce : La modification du plan adoptée

Dans l’hypothèse où le débiteur demande une modification substantielle du plan portant sur les modalités d'apurement du passif, les créanciers intéressés sont consultés. Le défaut de réponse de ceux-ci quant aux modifications avancées vaut acceptation sauf lorsqu’elles portent sur une remise de dette ou une conversion en capital.

Les créanciers disposent d’un délai de vingt et un jours à compter de la réception de la lettre recommandée pour faire connaitre leurs observations sur cette modification et non plus de quinze jours.
 
  • Article L. 622-21 du code de commerce : Le droit des entreprises en difficulté et les suretés

L’article L.622-21 du code de commerce interdit tout accroissement de l’assiette d’une sureté réelle conventionnelle ou d’un droit de rétention conventionnel, à compter du jugement d’ouverture. Celui- ci vient donc figer l’assiette de la sûreté.

Cet article a vocation à faire obstacle à l’application de clauses d'arrosage qui accompagnent certaines sûretés. Ces clauses permettent au créancier d’obtenir du constituant une reconstitution l’assiette d’une sûreté dans l’hypothèse où la valeur des biens grevés venait à diminuer. Par ce complément de sureté, le créancier ne supportera pas la fluctuation de la valeur des biens grevés.

Article R. 645-1 du code de commerce : Rétablissement professionnel sans liquidation

Selon le nouvel article R. 645-1, le rétablissement professionnel sans liquidation est ouverte à tout débiteur personne physique qui dispose d’un actif de moins de 15 000€, au lieu de 5000€ auparavant.

Le rétablissement professionnel (Art. L645-1 Ccom et svt) permet un effacement des dettes sans liquidation afin de favoriser le rebond rapide du débiteur. Le but poursuivi par cette procédure est de ne pas recourir à la liquidation judiciaire pour traiter des procédures collectives dans lesquelles il n’y a pas d’enjeu particulier. En effet, le rétablissement professionnel ne trouve à s’appliquer que dans l’hypothèse où le débiteur personne physique a déclaré un actif inférieur à 15 000€ et n’a employé aucun salarié.

Cette procédure est ouverte à tout débiteur, personne physique, en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
 

La jurisprudence


Arrêt Cass. com., 29 sept. 2021, n° 20-10.436 : Quid du silence du créancier lors de la modification d’un plan de continuation.

Une société bénéficiant d’un plan de redressement judiciaire a saisi le tribunal d’une demande de modification de celui-ci. Les créanciers ont été avertis de cette demande.

La question qui a été posé à la Cour de cassation était de savoir s’il est possible d’imposer une remise de dette à un créancier resté silencieux.

Celle-ci répond par la négative. En vertu des articles L. 626-5, L. 626-26 et R. 626-45, alinéa 3 du code de commerce, (ancienne version avant ordonnance du 15/09/2021, la consultation des créanciers pour l'élaboration du plan se distingue de leur consultation suite à une proposition de modification du plan.   Si le silence du créancier peut valoir acceptation pour l'élaboration du plan, tel n'est pas le cas lors de
la modification du plan, en l'absence de disposition en ce sens.

La décision a été rendue sous l’empire de la loi antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021. Celle-ci ne contenait aucune disposition autorisant la modification d’un plan adoptée sans l’accord des créanciers. Le défaut de réponse des créanciers était donc sans conséquence.

Le nouvel article L. 626-26 du code de commerce, prévoit que le défaut de réponse des créanciers quant aux modifications vaut acceptation sauf lorsqu’elles portent sur une remise de dette ou une conversion en capital.
 

Arrêt Cass. com., 29 sept. 2021, n° 20-10.105


En principe, la date de cessation des paiements est fixée par les juges au jour de l’ouverture de la procédure sauf s’ils disposent d’éléments leur permettant de d’établir l’état de cessation des paiements à une date ultérieure.

L’article L. 631-8, alinéa 2 prévoit la possibilité, postérieurement au jugement d’ouverture, de reporter cette date. Selon cet arrêt, la demande de report de la date de cessation des paiements peut être demandée une ou plusieurs fois, dès lors qu’elle est présentée dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture.

L'existence d'une décision d'irrecevabilité ou de rejet d'une demande de report de la date de cessation des paiements ne fait pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle demande.
 

Historique